En avril le Professeur Patrick Cordier de l’Unité Matériaux et Transformations (UMET) était lauréat pour la seconde fois d’une ERC Advanced Grant. Nul besoin de préciser qu’être lauréat à deux reprises de cette bourse prestigieuse lancée il y a seulement 11 ans est aujourd’hui très rare.
Professeur de Physique à l’Université de Lille, Patrick Cordier a effectué sa carrière dans le domaine des géosciences, appliquant les outils et concepts des sciences des matériaux pour mieux comprendre les sciences de la terre, et plus particulièrement les déformations du manteau terrestre et les mouvements tectoniques associés.
RheoMan, ou comment modéliser la viscosité des roches du manteau terrestre
L’étude du manteau terrestre est un véritable défi expérimental car les conditions de pression et de température à ces profondeurs sont très difficiles à reproduire en laboratoire. Avec l’obtention de sa première ERC Advanced Grant en 2012 intitulée RheoMan, Patrick Cordier s’était fixé pour objectif de s’appuyer sur des concepts théoriques robustes et des capacités de calculs très puissantes afin de développer une stratégie numérique multi échelle (atomique à macroscopique) pour modéliser la viscosité et les déformations du manteau terrestre. Six ans plus tard et avec l’appui d’une importante équipe pluridisciplinaire (5 thésards et 3 post-doctorants), les résultats de ce projet sont majeurs et son équipe a notamment mis en lumière un nouveau mécanisme de déformation microscopique. Il a même décidé de mettre par écrit cette « aventure RheoMan » dans un livre qui sera publié prochainement.
« Avec un telle approche interdisciplinaire, nous avons surtout ouvert une nouvelle façon de mener les recherches dans ce domaine, à l’image de ce qui se fait déjà dans le milieu du nucléaire »
TimeMan, ou comment intégrer le temps dans l’expérimentation
Pour cette seconde soumission à l’ERC, Patrick Cordier s’est attelé à une problématique récurrente dans l’étude des déformations terrestres qui ont lieu à l’échelle géologique : le temps. Son objectif : intégrer de manière intrinsèque les données temporelles dans ses calculs, et s’affranchir d’une extrapolation des résultats, source de nombreuses approximations. Dans le projet TimeMan qui vient de recevoir le soutien de l’ERC, Patrick combine des techniques numériques à des expérimentations à l’échelle microscopique. Ce passage à l’échelle du nanomètre lui permet en effet d’observer des dislocations des cristaux en microscopie électronique sur des échelles de temps humaines, dont la traduction à l’échelle macroscopique se fait sur une échelle de temps géologique.
Concernant l’ERC et au regard de cette double réussite, Patrick Cordier soutien qu’il est important pour les chercheurs de garder un cap scientifique dans leur carrière, en résistant aux effets de mode. « S’il est crucial de proposer un projet original, en rupture avec les sujets d’investigation habituels, il est surtout important de prouver au jury que l’objectif que l’on s’est fixé est atteignable. » ajoute-t-il.